Ne laissez pas Meta bloquer vos actualités : comment rester informé au Canada malgré l'interdiction ?
Depuis le 1er août, Meta a commencé le processus de "mettre fin à la disponibilité des nouvelles au Canada ", ce qui signifie que les Canadiens ne peuvent plus voir ou partager de liens d'actualités sur les plateformes Meta, qu'ils proviennent de sources locales ou étrangères. Plus précisément, ils ne voient plus les articles d'actualité, les émissions, les histoires et les bobines que les médias du monde entier publient sur Facebook ou Instagram.
La décision radicale de Meta de couper un grand nombre de ses utilisateurs canadiens de leur source d'information préférée - environ 34 % des Canadiens disent qu'ils obtiennent leurs nouvelles de Facebook - est sa façon de riposter au projet de loi C-18, également connu sous le nom de Loi canadienne sur l'information en ligne. Cette loi oblige les géants de la technologie, comme Meta et Google, à payer les éditeurs de presse pour l'utilisation de leur contenu sur leurs plateformes.
La seconde fois est la bonne
À de nombreux titres, la lutte du Canada contre Meta et Google est similaire à la campagne menée par l'Australie pour obliger les entreprises à subventionner son secteur de l'information locale à court d'argent. En 2021, Meta a temporairement bloqué des informations australiennes sur ses plateformes, et Google a menacé de faire de même si une loi obligeant les plateformes numériques "désignées" à payer les organes de presse pour leurs articles était adoptée. Après bien des péripéties et des négociations houleuses, la loi a été modifiée pour donner plus de pouvoir à Meta et Google et moins au gouvernement. Le "News Media Bargaining Code" a été édulcoré pour supprimer la mention des "plateformes désignées", ce qui signifie également que le gouvernement australien a été exclu du processus de négociation. Meta et Google ont été laissés libres de choisir avec qui conclure des accords et combien payer. Après l'entrée en vigueur de la loi en mars 2021, Google et Meta ont conclu des accords séparés avec plus de 30 éditeurs australiens et ont fini par leur verser plus de 140 millions de dollars pour leur contenu informationnel.
Le Canada souhaitait apparemment reproduire la stratégie fructueuse de l'Australie avec les entreprises technologiques, mais jusqu'à présent, il a échoué de manière spectaculaire. On peut se demander ce qui a mal tourné dans les négociations entre le gouvernement canadien et le duo Meta et Google, mais tous ont refusé de bouger d'un pouce de leurs positions respectives. En particulier, ce qui a pu froisser Meta et Google, c'est l'intention du gouvernement canadien d'avoir le dernier mot dans le processus, c'est-à-dire de pouvoir désigner certaines plateformes comme "intermédiaires de presse numériques" (DNI) et de les faire payer.
Meta et Google s'étaient déjà insurgés contre ce projet de loi avant même qu'il ne reçoive le feu vert du gouvernement canadien. Mais si l'espoir d'un compromis existait, il a été anéanti le 15 juin, lorsque le projet de loi a été adopté par le Parlement. Une semaine plus tard, le 22 juin, la loi a été officiellement promulguée avec la sanction royale.
En réaction à l'adoption du projet de loi, Meta a déclaré qu'il était "basé sur la prémisse erronée que Meta bénéficie injustement du contenu des nouvelles partagé sur nos plateformes, alors que l'inverse est vrai " De plus, Meta a affirmé que "les personnes qui utilisent nos plateformes ne viennent pas chez nous pour les nouvelles " Bien que cela puisse être hors sujet, il s'agit d'une déclaration controversée dans le meilleur des cas, et fausse dans le pire. Les enquêtes ont toujours montré que Facebook reste une source d'information régulière pour un tiers des Américains et des Canadiens.
Les médias canadiens ne sont pas tous d'accord
S'il n'est pas surprenant que Meta et Google se soient fermement opposés à ce projet de loi qui leur porte préjudice financièrement, les médias canadiens ne l'ont pas non plus accueilli à l'unanimité. En fait, la loi sur l'information en ligne n'a pas été bien accueillie par un grand nombre de médias nationaux. Certains, comme Village Media, un important éditeur numérique local, et le Globe and Mail, ont fait valoir que le projet de loi compromettrait l'indépendance des médias et mettrait de nombreux petits organes de presse au bord de la survie, ce qui irait à l'encontre de l'objectif visé par le projet de loi. Toutefois, d'autres organisations médiatiques, notamment News Media Canada, ont approuvé le projet de loi, affirmant qu'il "remédierait au déséquilibre important du pouvoir de marché entre les éditeurs et les plates-formes "*.
Bien que le projet de loi ne doive entrer pleinement en vigueur que l'année prochaine, Meta a préventivement bloqué les informations pour les Canadiens. Quant à Google, le géant des moteurs de recherche n'a pas encore emboîté le pas à Meta. Dans un billet de blog datant du 29 juin, Google a déclaré qu'il "supprimera les liens vers les actualités canadiennes de ses produits Search, News et Discover et ne sera plus en mesure d'exploiter Google News Showcase au Canada " dès que la loi entrera en vigueur, c'est-à-dire l'année prochaine.
L'impact du projet de loi sur les utilisateurs : au Canada et à l'étranger
Nous avons confirmé auprès de nos lecteurs canadiens (merci à Extravi que, jusqu'à présent, seul Meta empêche les Canadiens de lire les actualités.
Au début du mois d'août, Meta a envoyé des notifications aux utilisateurs canadiens, les avertissant qu'ils devaient se préparer au black-out. *En réponse à la législation canadienne, les nouvelles ne seront bientôt plus disponibles.
Credit: Extravi
Si un utilisateur canadien tente de visiter la page officielle d'un organe de presse sur Instagram, il ne verra rien : la page de l'organe de presse sera vide, à l'exception de la photo de profil et de la description. Les messages d'actualité ne s'affichent pas du tout.
Credit: Extravi
Il existe toutefois un moyen de contourner cette interdiction. Lorsque notre lecteur canadien a utilisé un VPN, un service qui masque votre adresse IP réelle et votre localisation, il a pu accéder au même contenu d'actualités sans aucun problème. Cela suggère que le blocage des actualités par Meta est assez facile à contourner. Il suffit de faire croire que l'on se trouve en dehors du Canada, soit en utilisant un VPN, soit en se trouvant réellement dans un autre pays.
La déclaration de Meta sur la manière dont elle prévoit d'appliquer l'interdiction suggère que les organes de presse canadiens peuvent encore être physiquement en mesure de publier du contenu sur ses plates-formes. Le problème, c'est que seules les personnes résidant à l'étranger pourront les voir (ainsi que celles qui se connectent à un serveur VPN étranger avant d'aller sur Facebook ou Instagram).
Quant aux personnes qui ne se trouvent pas au Canada, elles ne seront en aucun cas affectées par le blocage de Meta News. Ils peuvent toujours consulter les actualités canadiennes et internationales sur les plateformes Meta. La seule chose qu'ils pourraient manquer est ce que les Canadiens qui n'utilisent pas de VPN disent à propos de ces nouvelles.
Moyens de contourner les restrictions
En somme, il existe plusieurs autres moyens de contourner l'interdiction de diffuser des nouvelles au Canada. Aucune d'entre elles n'est infaillible, et certaines peuvent être plus efficaces que d'autres. En voici quelques-unes :
- Faire des captures d'écran des actualités : Si Meta bloque les liens vers les sources d'information canadiennes, les captures d'écran d'articles provenant de ces mêmes sources d'information peuvent échapper à ses algorithmes. Toutefois, il n'est pas exclu que Meta tente de détecter et de supprimer les captures d'écran à l'aide de sa technologie de reconnaissance d'images s'il le souhaite vraiment.
- Suivre les pages personnelles des journalistes: Certains journalistes canadiens travaillant pour des organes de presse ont transformé leurs pages personnelles en sources d'information. Cependant, Meta pourrait avoir vent de leur stratégie de remplacement plutôt simple et les bannir également.
- Utiliser des plateformes alternatives: Si vous préférez obtenir vos nouvelles à partir des médias sociaux plutôt que d'aller directement sur le site Web de l'organe d'information, vous pouvez envisager de passer de Facebook et Instagram à leurs concurrents, tels que Twitter (X), TikTok ou Reddit.
- Aller directement sur les sites web ou les applications des organes d'information: La solution la meilleure et la plus évidente est peut-être de visiter directement les sites d'information auxquels vous faites confiance. De cette façon, vous n'aurez pas à dépendre d'intermédiaires, tels que les moteurs de recherche ou les médias sociaux.
- Utiliser un VPN: Vous pouvez utiliser un VPN, tel que [AdGuard VPN] (https://adguard-vpn.com/en/products.html), pour accéder aux actualités sur Instagram et Facebook comme si vous étiez dans un autre pays, par exemple, les États-Unis ou le Royaume-Uni. L'avantage supplémentaire de cette méthode est que le VPN crypte également votre trafic et le protège contre l'espionnage par votre FAI.
Il est triste de constater que les utilisateurs réguliers au Canada sont pris dans le collimateur de la guerre entre le gouvernement, les éditeurs de presse et les grandes entreprises technologiques. Le moment choisi pour ce va-et-vient est particulièrement malheureux : il intervient alors que des incendies de forêt dévastateurs ont ravagé la province de la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest, dans l'ouest du Canada. Les personnes qui se fient habituellement à Facebook pour obtenir des informations sur les situations d'urgence peuvent avoir du mal à s'adapter à la nouvelle réalité et se tourner vers d'autres sources d'information.
Peu importe qui a raison ou tort dans le conflit opposant le Canada à Google et Meta, nous espérons qu'ils trouveront un moyen de sortir de cette impasse. Après tout, lorsque la vie des gens est en jeu, la dernière chose que l'on souhaite, c'est que les grandes puissances se chamaillent à propos de quelques lois. Mais encore une fois, ce n'est pas comme si les utilisateurs avaient toujours été la principale préoccupation des grandes entreprises technologiques. C'est plutôt le chiffre d'affaires ou la menace de le perdre, comme c'est le cas ici.